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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

samedi 10 avril 2010

Le 71e BCP en 1918

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Offensive allemande de l'Aisne

Le bataillon marche sur Soissons, cantonne deux ou trois jours à Serzy, à Fismes, Brenelles, pour s'arrêter le 22 mai à Venizel, près de Soissons.
Tous les jours, des bruits de départ circulent. Le bataillon va bientôt embarquer.... Pour les Flandres ? Le séjour à Vénizel est bon, les chasseurs en profitent largement. Sait-on ce que l'avenir prochain peut réserver. Le 26 mai, vers 18 heures, pendant un concert de la fanfare, le commandant reçoit un télégramme... le concert se poursuit. A la fin seulement les ordres sont transmis dans le calme : Alerte ! La nuit est obscure ; brouillard épais dans la vallée de l'Aisne. Quelques éclairs de départ, rien d'anormal. A minuit trente, ordre de départ ; une forte attaque, dit l'ordre, est imminente devant le IIe corps et sur tout le front de Soissons à Reims. Le 71e occupera immédiatement les pentes sud de la cote 156, nord du fort de Condé.
A peine le bataillon débouche-t-il du pont de Venizel que les obus s'abattent sur le village et le camp. L'horizon s'enflamme, toute la vallée de l'Aisne est bombardée. Le brouillard devient de plus en plus intense ; la fumée des explosions, la poussière rendent la direction difficile. A Missy, ordre est donné de mettre les masques, la marche continue lente et pénible. Le bataillon atteint à 3 h.30 les abords du fort de Condé.
Dès le petit jour on aperçoit dans le brouillard les routes encombrées de voitures et de groupes isolés. Les premières nouvelles sont mauvaises : l'ennemi a dépassé le Chemin des Dames, progresse sur les plateaux de Vrigny, d'Aisy, de Jouy. Nous distinguons nettement ses avant-gardes nombreuses qui avancent librement.

Abords du fort de Condé

Vers midi, ce qui reste de nos troupes se replie, le bataillon reçoit l'ordre de s'établir dans la deuxième position : ferme de Chimy – bois des Loges. Il est chargé de la défense du plateau de Condé ; mais l'ennemi nous y a devancé ; de fortes patrouilles tiennent déjà les premières lignes. Ses avions, par escadrilles, nous survolent à basse altitude, et l'artillerie renseignée sur nos mouvements commence à nous bombarder. Aucune batterie ne nous soutient. Impuissants, nous voyons des régiments et des régiments allemands s'avancer suivis de leurs colonnes de voitures, et se rassembler dans les ravins en avant de nous. Sous nos yeux, sur les pentes voisines, les batteries ennemies s'installent. A 15 heures, les engins de tranchées nous harcèlent. De fortes reconnaissances attaques nos postes de la 8e compagnie à la ferme de Chimy, et ceux de la 9e au sud du bois des Loges, tandis que le fort de Condé et le village sont pris sous un bombardement serré d'obus de gros calibres et d'obus toxiques. Un instant débordée, la 8e compagnie lâche la ferme ; elle la reprend aussitôt par une contre-attaque à la grenade. Le lieutenant NARRÉ, toujours gai, toujours calme, tue au cours de ce combat un officier allemand à bout portant ; il tient longtemps dans la ferme malgré les actions répétées de forces très supérieures. Son groupe peu à peu diminue, lui-même est blessé grièvement. L'ennemi reprend la ferme à la tombée de la nuit et essaie de progresser dans les boyaux.
Pendant la nuit, les patrouilles allemandes, sans cesse renouvelées, attaquent le 8e et 9e compagnies, mais ne réussissent pas à entamer notre ligne.
Le 28, à 6 heures, l'ennemi déclenche un violent bombardement par explosifs et toxiques ; une seule batterie de 75 essaie de riposter, elle est éteinte rapidement. A 7 h.30, l'ennemi attaque d'abord à droite, sans succès, la 9e compagnie ; les chasseurs montent sur le parapet pour mieux tirer sur les vagues d'assaut et brûlent toutes leurs cartouches.
Cependant des groupes s'infiltrent dans un ravin à notre droite, protégés par des tirs denses de mitrailleuses. Alors commence un combat acharné au pistolet, la baïonnette, lutte obscure, défense pied à pied, où beaucoup de chasseurs tombent après avoir accompli des actes d'héroïsme à jamais ignorés.
A 9 heures, autre poussée vers la gauche, tandis que continue la destruction des ouvrages de l'arrière ; par les innombrables mitrailleuses légères, bien ravitaillées, l'ennemi rase de ses feux tout le plateau ; les attaques sont incessantes. Les cartouches vont nous manquer, il faut éviter l'encerclement et se replier peu à peu en disputant le terrain pas à pas.
A 14 heures, quelques fractions, reconstituées sous le feu et ravitaillées tant bien que mal en munitions, tiennent encore les abords du fort de Condé, écrasé par les gros obus, et la route au nord du village. Mais l'ennemi a déjà traversé l'Aisne en amont de Condé et s'avance vers le sud et l'est.


Le fort de Condé

A l'ouest, il glisse par le ravin de Chivres. Les effectifs sont très réduits, les munitions sont épuisées ; ordre est donné de se replier en combattant au sud de l'Aisne. Il est temps : le génie a déjà fait sauter les ponts de Condé et de Missy. Ce dernier, incomplètement détruit, permettra cependant à nos petits groupes de passer, mais sous le feu des fantassins ennemis qui ont atteint les abords de la rivière.
Pendant la journée, le bataillon n'a cédé qu'à peine deux kilomètres de terrain à un ennemi cinq ou six fois supérieur en nombre ; la valeur individuelle et l'esprit de sacrifice total des chasseurs et des cadres ont permis cette résistance magnifique.
C'est un jeune de la classe 1918 qui rampe volontairement vers un monticule pour observer l'ennemi tout proche et qui meurt frappé d'une balle C'est le commandant qui, blessé depuis le matin, parcourt sans cesse le champ de bataille et ne le quitte que lorsque tous les survivants ont rompu le combat par son ordre.
Ce sont le sergent MELIN et le sergent VINCENT qui, sous une fusillade nourrie, transportent le long de l'Aisne le lieutenant BILLETORTE blessé ; celui-ci insiste pour qu'on l'abandonne, afin d'éviter un sacrifice inutile. VINCENT est tué d'une balle à la tête ; MELIN emporte seul l'officier vers Sermoise, après avoir passé le pont sous un feu violent.
C'est le lieutenant DUPOIZAT qui, revolver au poing, debout au plus fort de l'attaque, tombe en héros devant sa compagnie. La nouvelle de sa mort affecte tout le bataillon. C'est une belle et noble figure qui disparaît.
L'adjudant PARAGE, le chasseur LEBARBIER et tant d'autres ont une attitude admirable ; il faudrait citer tous les noms.


Source : Historique du 71e Bataillon de Chasseurs à pied - Librairie Chapelot – Paris
Avec l’aimable autorisation de Jean-Luc Dron

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