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NOUVELLE MISE A JOUR LE 15 avril 2014

jeudi 11 février 2010

Le 94e RI en Champagne

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Voila le Régiment revenu de nouveau au camp de Châlons. Bivouaqué à l'Ecole Normale de Tir, il exécute au Nord-Est de Baconnes des travaux préparatoires d'attaque.
Pour la première fois depuis la mobilisation, il est mis au grand repos à Athis, Istres-et-Bury et Flavigny, où il reste jusqu'au 30 août.
Le 22 août, le Général Berthelot, qui avait été Colonel au 94e de 1912 à 1914, vient prendre le commandement du 32e Corps en remplacement du Général Duchêne et passe, dans la superbe prairie qui borde la Marne entre Athis et Tours-sur-Marne, une revue de la 42e Division, qui se présente de façon brillante et exécute devant le Général de Castelnau un défilé impressionnant.
Au cours de cette imposante cérémonie, la 1re Compagnie reçoit des mains du Général Berthelot un fanion décoré de la Croix de Guerre avec palme, fanion que lui avait valu sa conduite magnifique à l'attaque du 13 juillet.
Le 31 août, le 94e cantonne à Matougues ; le 1er septembre à La Veuve.
Le 2 septembre, il est à l'Ecole Normale de Tir et prépare un nouveau terrain d'attaque dans le secteur d'Auberive, au nord de la Suippes. Malgré des bombardements fréquents et sévères, les hommes travaillent avec ardeur au creusement de parallèles de départ en avant des premières lignes. Le 24 septembre, le terrain est prêt pour la bataille.
Le 25 septembre, à 9 h 15, les premières vagues s'élancent superbement hors de la parallèle de départ, baïonnette au canon. Les mitrailleuses allemandes crépitent. Malgré des pertes sévères, la première ligne allemande est enlevée. Le barrage opposé à nos troupes par le feu s’intensifie ; la deuxième ligne est atteinte par le 2e Bataillon [Commandant de Sélancy (Tué le 2 octobre en surveillant personnellement l'organisation de la défense sous un violent bombardement)] qui se cramponne aux tranchées conquises avec des éléments du 1er Bataillon (Commandant Darthos) et du 3e Bataillon (Commandant Méalin). Le fameux saillant F est en notre pouvoir.
Les Lieutenants Ragot et d'Ancezune tentent de continuer la progression, mais il n'y a plus de brèches et ils tombent dans les fils de fer, le corps criblé de balles. Le soldat Gérard, qui les accompagnait, se maintient seul sur son emplacement, fait le coup de feu malgré deux blessures et rejoint sa Compagnie à la nuit, après avoir tenté de se créer un abri. Chacun avait fait preuve de courage et d'entrain. Le Lieutenant Méchaussie, voyant sa Compagnie gênée pour circuler dans un boyau, la fait sortir par un autre itinéraire en disant: « Le Régiment voisin commence à déboucher, s'il passe en avant du 94e, nous sommes déshonorés ».
Le Sous-Lieutenant Gérard voyant un peu de flottement se manifester à la droite de sa section, se dresse pour se rendre compte et tombe mortellement frappé, criant à ses hommes : « Ceux du neuf-quatre, ne reculez pas ! » Mais il est impossible de continuer à progresser : des réseaux de fils de fer à contrepente sont intacts et Auberive, solide point d'appui, n'a pu être enlevé. Le 26, la position subit un bombardement formidable, mais le terrain est conservé, malgré des pertes très élevées. Le 27, l'ennemi essaye de contre-attaquer, mais sans succès : l'avance est maintenue.
Le Commandant Méalin prend le commandement du 8e Bataillon de Chasseurs et est remplacé à la tête du 3e Bataillon par le Capitaine Gerde, de la 10e Compagnie, nommé Chef de Bataillon en récompense de son indomptable bravoure.
Le 3 octobre, le Régiment va en réserve à Mourmelon.
Alerté le 6, il remonte en ligne le 11 sur le terrain conquis, le 25 et où la 84e Brigade vient à son tour d'arrêter avec peine des tentatives adverses.
Le 15 octobre, le saillant F est occupé par le 1er Bataillon, une Compagnie de mitrailleuses et les 5e et 6e Compagnies, le tout sous les ordres du Commandant Darthos. Les travaux n'ont pu encore être poussés et il n'existe aucune liaison, ni latérale, ni avec l'arrière.
A 4 h 30, un tir extraordinairement violent d'artillerie de tous calibres s'abat sur tout le saillant F et ses abords, c'est le plus formidable ouragan de mitraille qui ait été tiré sur le Régiment depuis le début de la campagne. Les boyaux sont bouchés, les tranchées démolies, nivelées, les abris de mitrailleuses bouleversés. De nombreux blessés et des morts gisent dans ce dédale dévasté.
A 5 heures, les Allemands s'élancent et débordent le saillant F par les flancs. Les agents de liaison envoyés vers l'arrière ne peuvent atteindre le poste de commandement. Les hommes se battent jusqu'à épuisement des cartouches et des grenades. Ainsi isolé, le saillant tombe au pouvoir de l'ennemi, mais sur les sept Compagnies, les Allemands n'avaient pu prendre que 300 vivants. Le Commandant Darthos, le Capitaine Lecaplain, le Lieutenant Toussaint et une vingtaine d'hommes se précipitent sur l'ennemi et arrivent à rentrer dans nos lignes.
Le Régiment, avait à déplorer la perte de 14 officiers et plus de 700 hommes, tués, blessés ou disparus. Parmi ceux-ci, qui devaient avoir en captivité une dignité parfaite, le Caporal Chevalier, après un séjour dans un camp de représailles, réussit, le 3 mars 1916, après avoir intelligemment mûri son plan, à s'évader et à atteindre, après mille dangers et de nombreuses péripéties, la frontière hollandaise. Ayant reconquis la liberté, le Caporal Chevalier vint reprendre sa place dans nos rangs, donnant à tous un bel exemple de patriotisme.
Le 20 octobre, le Régiment est relevé, puis reprend le secteur du 27 octobre au 2 novembre.
Le Peloton de Sapeurs est cité à l'ordre du jour pour son labeur infatigable (Citation du Peloton de Sapeurs Pionniers : « Tous les jours sur la brèche, avec son chef le Sous-Lieutenant Prott, depuis le 20 septembre et constamment aux postes les plus avancés et les plus périlleux, a fait preuve, malgré des pertes quotidiennes très sensibles, d'un entrain, d'un dévouement et d'un mépris du danger qui méritent d’être donnés en exemple au Régiment auquel cette unité, de formation récente, animée de l'esprit d'un véritable peloton d'élite, a rendu les services les plus précieux par son labeur infatigable »)
De nouveau au repos du 2 au 12 novembre à Mourmelon, il reprend du 12 au 20 novembre les mêmes tranchées, où règne un calme relatif. Il se repose encore jusqu'au 3 décembre, puis se rend à la ferme Piémont et la ferme des Wacques, d'où chaque jour il va exécuter des travaux dans le secteur au nord-ouest de Suippes, jusqu'au 31 décembre.


Source : Historique du 94ème RI (Anonyme, A. Collot, 1920)
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